Restitution des ateliers
Atelier “Comment échapper aux procès en crédibilité ?”
avec Anne-Laure Delatte (économiste), Seydi Ba (avocat) et Marine Tondelier
Au cours de cet atelier, plusieurs questions ont été soulevées par les participants et ont orienté les discussions. Faut-il être expert pour être légitime ? Valorise-t-on suffisamment l’expertise tirée de l’expérience (et non du savoir, de la recherche, etc.) ? Notre manque de crédibilité vient-il de notre radicalité sur le fond ou d’une mauvaise / insatisfaisante manière de présenter et défendre nos idées ? Quelle place accorder aux émotions dans notre effort de conviction ?
Les pistes d’action suivantes ont été identifiées:
- Coupler davantage la parole des experts à celles des personnes concernées (dans les interventions médiatiques notamment), faire davantage le lien entre les idées et les expériences vécues puisque l’incarnation est essentielle pour marquer les esprits ;
- Travailler la manière de communiquer nos idées : être modérés dans la forme et radicaux sur le fond ; élaborer des “kits” à destination des militants et sympathisants pour convaincre efficacement ; mettre en valeur des personnalités de gauche éloquentes;
- Investir plus systématiquement la déconstruction et la décrédibilisation des discours adverses.
Atelier : “Et si nos dirigeant.e.s ressemblaient vraiment à la France ?”
avec Hawa Touré, élue locale, fondatrice Association Clair de lune, Lyes Louffok, essayiste et militant des droits de l’enfant, Ayodele Ikuesan et Florian Vertriest membres de l’association Démocratiser la politique
Cet atelier interrogeait les causes du manque de représentativité de nos élu.e.s au sein de nos institutions, les conditions d'émergence de femmes et d’ hommes dont les expériences de vie, associatives, syndicales, entrepreneuriales, coopératives incarnent la réalité de nos territoires, de la diversité de la population actuelle. Comment faire pour que, de Paris à Vesoul, en passant par Sevran ou par Saint Denis de la Réunion, les électrices et les électeurs se retrouvent dans la classe politique ? Comment permettre à une jeune génération non encartée de porter sa voix ? Comment mieux représenter toutes les strates de notre pays ?
Les pistes d’action suivantes ont été identifiées :
- en plus des lois en faveur de la parité, déterminer des objectifs en termes de parité sociale, et assumer une responsabilité et un leadership du champ de force de gauche, écologiste, et société civile organisée sur la transformation du visage de nos institutions.
- Afin d’atteindre ces objectifs, il semble nécessaire d’aller plus loin que la simple détection opportuniste juste avant une élection, mais bien d’accompagner ces personnes indispensables au champ politique à travers des parcours de préparation aux responsabilités politiques, un soutien financier pour les campagnes électorales, une stratégie concertée de l’ensemble du champ de force politique pour prendre en charge collégialement cet enjeu de représentativité à travers des procédures claires d'investitures, et prendre acte du fait que l’usage du parachutage a désormais largement atteint ses limites, et n’est pas à même de construire la légitimité indispensable à ces profils, pour sortir des logiques purement d’affichage mais bien une nécessité pour transformer la qualité de nos représentantes et nos représentants.
- Ont été cités comme leviers : fin des parachutages, ouverture aux listes citoyennes, tirage au sort parmi des volontaires, élection sans candidat, objectifs en termes de parité sociale, fond de soutien de financement de campagne, parcours de formation, procédures d’investitures avec l’ensemble du champ de force, et non pas parti par parti, pour un pourcentage d’investitures réservées à des nouveaux profils bien ancrés sur leurs territoires, y compris, évidemment, dans des circonscriptions gagnables.
Atelier “Quelle place pour penser le temps long en politique ?”
avec François Héran, Elise Huillery et Lucie Castets
Cet atelier nous invitait à nous interroger sur notre capacité à nous réapproprier des perspectives de moyen et long terme en politique, dans un contexte où les crises auxquelles nous devons faire face collectivement (écologique, économique, sociale, démocratique) appellent des réponses pensées pour être déployées sur le temps long.
L’objectif était notamment de répondre aux questions suivantes: les “caisses sont vides”, les températures n’ont jamais été aussi élevées et les scores de l’extrême droite explosent; quelle place reste-t-il pour penser notre projet de société ? Peut-on penser la politique sur le temps long et sortir du court-termisme ? Investir dans les services publics ? Planifier la transition écologique ? Faire baisser durablement l’extrême droite ?
Il a aussi été question de comment permettre les pratiques militantes et politiques sur le temps long, dans un contexte où la communication exige une approche de court terme.
Les pistes d’action suivantes ont été identifiées :
- S’appuyer sur et promouvoir des outils d’éducation populaire;
- Changer les indicateurs utilisés, pour remettre en cause la centralité du PIB (court termiste, ecocide, etc), pour intégrer l'IDH ainsi que d’autres mesures qui évaluent le bien-être, qui doit devenir l'objectif principal pour l'action publique ;
- Faire davantage confiance à la société civile et aux chercheurs, qui sont moins contraints par le calendrier électoral et peuvent plus facilement intégrer des enjeux de long terme ;
- Penser un projet qui se déploie sur le temps long, ce qui nécessite de gagner la bataille des idées et de réfléchir aux articulations entre temps court et temps long (ex, dans le domaine agricole: lien entre usage des pesticides et pesticides?);
- Nécessité d’opérer un changement de culture et un ralentissement individuel (notamment en rapport avec la consommation d'informations, la mobilité, et la consommation tout court);
- Faire évoluer le rôle des médias qui doivent aider à penser à long terme avec des perspectives à la fois plus historiques pour approfondir les constats et des visions à plus long terme pour discuter des politiques publiques et de leurs effets, par exemple sur l’impact positif des investissements en matière d’éducation et de santé par exemple;
- Davantage recourir à l’outil des “lois cadres” sur les sujets de société.
Atelier “Les mobilisations locales peuvent-elles nous sauver ?”
L’atelier a débuté sur une évidence : lutter contre l’extrême droite ne suffit pas, il faut aussi affirmer ce pour quoi nous nous battons – un tissu commun, le progrès, l’estime de soi, la fin de l’isolement. Les participant·e·s ont souligné que le mal-être au travail alimente l’abstention, et que la gauche doit offrir une alternative de société crédible pour y faire face.
Au fil des échanges, l’importance d’intervenir dans tous les espaces de proximité (comités de quartier, clubs sportifs) est apparue comme essentielle. L’impuissance, l’isolement et la méfiance profitent à l’extrême droite, d’où l’urgence de revenir sur le terrain pour défendre une société ouverte. Les personnes présentes ont insisté sur la nécessité d’aller au-devant des plus isolé·e·s, celles et ceux qui vivent le ressentiment ou la colère.
Malgré l’existence de nombreuses initiatives locales, leur impact reste fragile si l’on ne s’y engage pas concrètement. Pourtant, la somme de ces actions constitue la base d’une solidarité réelle et d’un nouveau rapport de force. L’atelier a souligné la responsabilité de la gauche : s’adresser aux invisibles, agir dans les lieux de sociabilité, réinvestir le terrain et montrer que l’alternative n’est pas hors de portée. C’est en retissant la confiance, en valorisant l’action collective et en donnant à chacun·e le sentiment d’être acteur ou actrice de sa vie qu’on peut renverser le rapport de force actuel.
Atelier « Peut-on encore assurer l’indépendance et la pluralité des médias ? »
avec Laurence De Cock et Pablo Pillaud-Vivien
Cet atelier nous invitait, dans un contexte d’explosion de la diffusion de fausses informations et de diffusion de plus en plus généralisée des discours d’extrême droite, à esquisser des solutions pour apporter aux citoyens la possibilité d’accéder à des médias fiables, indépendants et diversifiés.
Les constats sont sans appel : les fake-news prennent une place croissante dans les informations diffusées, aidées par la viralité que permettent les réseaux sociaux ; les discours radicaux d’extrême droites fonctionnent très bien, tandis qu’il est difficile de porter des voix alternatives, en particulier lorsque les formats proposés privilégient la rapidité, rendant presque inaudibles les réponses articulées et étayées ; de nombreux médias sont aujourd’hui détenus par des milliardaires, qui poursuivent des objectifs éloignés de l’intérêt général.
L’un des premiers objectifs est bien sûr de lutter contre les fake news et la manipulation de l’information. Cela doit passer par plusieurs leviers :
- Un accent plus fort mis sur l’éducation aux médias et le renforcement de l’esprit critique pour toutes et tous ; l’école a évidemment un rôle fondamental à jouer en ce sens, tous comme les médias existants. L’éducation aux médias est également un moyen de renforcer la confiance dans l’information, en faisant se rencontrer les « producteurs » de l’information et les « récepteurs ».
- Un développement plus important de la vérification de l’information (fact-checking), comme ce que fait aujourd’hui l’AFP ;
- Une forme de « labellisation » de certains contenus, en particulier diffusés par les réseaux sociaux, qui identifierait qu’il ne s’agit pas de fausses informations.
Un autre objectif doit être le renforcement / le soutien aux médias de qualité. Cela passe en premier lieu par un soutien réaffirmé à l’audiovisuel public, notamment par une véritable réinvention de la redevance audiovisuelle, qui doit permettre une véritable indépendance, sur le long terme. Cela passe également par une plus grande coopération entre les médias existants, qui doivent pouvoir forger des alliances pour gagner en puissance. Cette option pose toutefois la question de la bonne articulation avec la législation anti-concentration. Cela doit également passer par un renforcement de la liberté de la presse, en particulier du secret des sources des journalistes, garantie démocratique essentielle. Enfin, il faut trouver les moyens de financer et assurer l’indépendance de médias porteurs de valeurs de gauche, alors même que les hommes d’affaires principaux financeurs aujourd’hui des médias privés n’ont aucun intérêt à l’émergence de voix porteuses de discours alternatifs.
Enfin, il s’agit de renforcer de manière importante les modalités de régulation des médias existants. En premier lieu, les aides publiques devraient être systématiquement conditionnées au respect de la loi, en particulier en ce qui concerne la lutte contre les discours de haine. Un réel statut pour les éditorialistes devrait être créé, afin de distinguer leur discours « d’opinion » du travail des (autres) journalistes. Cela passe également par un renforcement de l’ARCOM, de ses pouvoirs de sanction et de son indépendance. Enfin, les règles relatives aux conflits d’intérêt des propriétaires des grands médias doivent être renforcées.